Histoire de l’architecture en Tunisie
Les premières expressions architecturales et organisations urbanistiques datent des Puniques. Kerkouane, qui n’a jamais été réoccupée, nous en fournit un bel exemple. La cité, entourée de remparts, a généralement un découpage régulier et les maisons sont pourvues de toutes les commodités sanitaires de l’époque : citerne, égout, salle d’eau étonnamment moderne avec baignoire et lavabos. On y retrouve parfois l’influence de l’Egypte et de la Grèce antiques.
Les Romains, par la suite, les débarrassent de leur muraille extérieure et réorganisent l’espace autour des établissements publics : forum, capitole, théâtre, temples, marché… La mosaïque apparue à l’époque punique connaîtra son apogée à l’époque romaine. C’est l’art par excellence qui marie les marbres aux calcaires polychromes, à la terre cuite, à la pâte de verre, pour revêtir sols et murs. Partout des colonnes et chapiteaux, entablements, encadrements ornent monuments et demeures.
Les Vandales qui leur ont succédé semblent n’avoir rien construit et les Byzantins avaient plutôt une logique défensive. Ils ont édifié des fortifications à l’intérieur des villes romaines et des forteresses isolées.
La conquête arabe fera renaître l’architecture tunisienne et lui confèrera une identité propre. La conception de la ville change avec la fondation de Kairouan. Elle s’entoure à nouveau de remparts percés de grandes portes qui mènent vers le cœur où s’élèvent la grande mosquée et les souks qui la jouxtent. Sans couper totalement avec les conceptions romaines, les Aghlabides et les Fatimides y puiseront des idées et des matériaux. La mosquée de Kairouan, nous dit l’architecte et urbaniste Denis Lesage, « pourrait passer pour une tour de guet ou un phare romain s’il n’était couvert d’une coupole ». Sa galerie est bordée d’une variété de colonnes romaines mais ses arcs sont d’inspiration orientale. Ailleurs, le bâti est austère à ses débuts tels les ribats de Sousse, de Monastir et de Lamta par exemple, puis intègrera des éléments ornementaux tels des niches décoratives dans les façades ou des chapiteaux locaux.
Il faudra attendre l’époque hafside pour voir l’architecture s’affranchir des modèles orientaux et se codifier. Les maisons s’organisent autour d’un patio principal. Des citadelles, des mosquées, des fontaines, des réservoirs, et des médersas sont édifiés partout dans le pays, et en particulier à Tunis, la capitale de l’empire. On voit apparaître des matériaux nouveaux, des techniques nouvelles, des éléments nouveaux. Les influences andalouse et marocaine sont visibles dans les coupoles et les mihrabs des mosquées. La céramique, legs des premiers migrants andalous, recouvrent les murs intérieurs. Le chapiteau prend la forme d’un fleuron. Ce fonds ne disparaîtra pas avec la fin de l’empire. Il est maintenu et enrichi par les Ottomans.
A l’époque des deys et des beys, on construit et on restaure partout : mosquées, medersas, zaouïas, ponts, travaux d’adduction d’eau, fontaines publiques, latrines, souks, palais et demeures seigneuriales. Tout ce qu’on admire aujourd’hui dans les grandes villes, et à Tunis en particulier provient de leur époque : les revêtements et les encadrements de porte en marbre ou en faïence, les stucs gravés sur les murs et au plafond, les motifs géométriques de type andalou ou floraux turcs, les plafonds peints à solives...
Vers le milieu du XIXe s., apparaît une influence européenne, comme les motifs floraux de style italianisant et l’emploi de nouvelles techniques de construction issues de la révolution industrielle. Dans les demeures, de nouveaux usages s’accaparent un espace : salon et salle à manger à l’européenne. Les façades s’ornent de pilastres sculptés à décor en rosaces ou en fleurs stylisées…
A l’époque du Protectorat français, les villes débordent de leurs enceintes. Les Européens élisent domicile en périphérie de la médina et s’inspirent de leur culture pour leurs édifices. Au fil des ans, leurs constructions subiront les courants occidentaux, du néo-classicisme à l’Art nouveau et au style néo-mauresque, qu’ils marqueront cependant par des spécificités locales.
Depuis quelques décennies, le paysage urbain, surtout dans les villes, a subi de profondes mutations. C’est l’ère de ce qu’on appelle l’architecture contemporaine dans laquelle s’engouffrent différents styles et tendances en vogue, constamment en évolution. A côté des vieilles villes, ont surgi des édifices qui n’ont rien du cachet tunisien, bien qu’il n’existe pas réellement, étant une synthèse de différentes influences. Un véritable patchwork où se mêlent tous les genres et qui traduit les diverses fantaisies des propriétaires, produits de différentes acculturations notamment américaines disent certains.
Une mention doit être faite à ce que l’on appelle l’architecture vernaculaire tunisienne. On regroupe dans ce groupe les habitations de communautés, berbères souvent, adaptées à la situation géographique, la géomorphologie, le climat, la faune, la flore, les ressources naturelles disponibles, l’origine ethnique, la dimension spirituelle, la structure sociale et le niveau technologique qui caractérisent l’homme et son milieu. On retrouve ces habitats aux spécificités propres parfaitement adaptées, du nord au sud du pays. C’est l’architecture particulière des villages perchés telles que Zriba, Takrouna et Jradou par exemple, les maisons troglodytes de Matmata, les cellules juxtaposées de Ksar Hadada, les maisons de Tozeur avec leurs revêtements en brique de terre, les menzels de Djerba. L’architecture vernaculaire, c’est une morphologie particulière mais aussi des techniques de construction ancestrales comme l’emploi de la pierre, de la chaux, des troncs de palmiers, ou un graphisme et une palette de couleur particuliers. Nul besoin de mettre une pancarte pour signaler l’entrée d’un hammam. Une porte peint en rouge et vert suffit.
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